Hommes de l’ombre, mouchards et obscurantistes. Théories de la conspiration et conflits du travail en suisse a la veille de la première guerre mondiale

(Coulissenschieber, Spitzelhunde und Dunkelmänner. Verschwörungstheorien im schweizerischen Streikdiskurs vor dem Ersten Weltkrieg)

Cet article analyse les diverses théories de la conspiration évoquées à l’occasion de la grève des serruriers zurichois de 1886, de la grève générale genevoise en 1902, des grèves de lété 1906 à Zurich et du débrayage des maçons de Winterthur en 1909/10. D’une manière globale, on constate que l’émergence d’une pensée structurée en catégories de la conjuration reflète une incertitude collective et réciproque quant aux projets de la partie adverse. Toutefois, les figures du complot se cristallisent autour de moments et de systèmes argumentatifs différents. Dans le camp bourgeois, la rhétorique de la machination apparaît à propos des origines du conflit. Dans ce cadre, elle s’évertue non seulement à nier l’opposition fondamentale entre capital et travail, mais également à occulter les divisions de classes inhérentes à la société industrielle. Du côté ouvrier, la théorie du complot émerge surtout dans l’appréhension des conséquences du débrayage, s’appesantissant alors sur les fréquents actes de violence commis et sur les mesures que les autorités prendraient contre eux. L’asymétrie ainsi constatée trahit, en fin de compte, la perception tout aussi asymétrique que chacun des deux principaux protagonistes cultive de soi et de l’autre.

(Traduction Irène Herrmann)

Erschienen in: traverse 0/0000, S. 73