Transformation du paysage et perte d'identité. Évolution dans la critique de la modernisation depuis le tournant du siècle jusque vers 1970

(Landschaftsveränderung und Identitätsverlust. Akzentverschiebungen in der Modernisierungskritik von der Jahrhundertwende bis um 1970)

Lors de transformations rapides de l’environnement physique et culturel consécutives à la modernisation, l’harmonie entre le « paysage réel » et le « paysage imaginé » est perturbée. Ce phénomène est ressenti par nombre d’individus comme une perte d’identité, une aliénation. Au cours de ce dernier siècle, l’Europe de lOuest a connu deux poussées de croissance de ce genre, chacune portée par une constellation politique, économique et sociale inédite. La première recouvre la Belle Époque, autrement dit le quart de siècle qui s’étend de 1890 jusquà la première guerre mondiale; la seconde comprend le long boom qui s’étend des années 1950 jusqu’au milieu des années 1970. La période intermédiaire, celle des deux guerres mondiales, de la grève générale et de la crise économique mondiale apparaît sous le signe de la stagnation économique et de troubles politiques. Comment replacer le débat sur la transformation du paysage dans le cadre temporel de ces deux longues poussées de croissance économique du XXe siècle? Comment l’« essence » de la critique s’est-elle modifiée sous l’influence et l’avancée du processus de modernisation?
1. Lors des deux périodes de boom, la critique de la modernisation sest modifiée au niveau qualitatif par le biais de nouveaux arguments qui ont soudainement trouvé un écho important, et ceci près de 15 ans après le début de cette phase. Les protestations contre la destruction de paysages ont été l’oeuvre de membres d’une génération, dont l’identité sest constituée essentiellement au début de la période de croissance. Ces membres ont, de ce fait, particulièrement ressenti ce changement rapide comme une aliénation.
2. Dans les deux cas, la critique de la modernisation a trouvé un écho, dans la mesure où elle a mis en évidence l’incompatibilité du processus de modernisation avec les valeurs fondamentales de la société. La critique durant la Belle Époque présente des arguments esthétiques passéistes, dans la mesure où elle met en évidence les antagonismes régionaux entre, d’une part, la valeur de l’économie de la libre concurrence et, d’autre part, l’importance des paysages porteurs de symboles pour la constitution d’une identité. La critique, au début des années 1970, présente des arguments scientifiques tournés vers l’avenir, dans la mesure où elle met en évidence sur le plan local les risques pour la santé dûs à l’« automobilisation » de lespace vital ainsi que les « limites de la croissance ».
3. En ce qui concerne le Heimatschutz, un potentiel de résistance, depuis longtemps actif de manière individuelle et ponctuelle, s’est groupé en l’espace de quelque mois en une organisation nationale; cette dernière sest dotée de représentations sociales et se considère comme faisant partie dun mouvement international plus large. De même, en ce qui concerne la résistance contre les «routes express» (Express-Strassen), des groupes informels ont d’abord surgi de manière ponctuelle. Lors des batailles électorales nationales, dans les années 1970, sur l’environnement, ils ont élaboré en étroite collaboration avec des organisations internationales WWF, Greenpeace) des représentations sociales, sans toutefois se regrouper, selon le modèle du Heimatschutz et de la Protection de la nature, en une organisation nationale.
4. Aussi bien les requêtes du Heimatschutz et de la Protection de la nature que celles du mouvement pour l’environnement ont été par la suite reprises par des institutions et ancrées dans la législation. La complexité du système politique et des processus de décision s’est de ce fait renforcée, phénomène qui reflète une tendance essentielle de la modernité.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 1997/2, S. 49