Bien que la Suisse se caractérise par un des niveaux les plus élevés d’investissements directs à l’étranger, la recherche historique a tendance à négliger les lieux et les acteurs de ces investissements. Cet article thématise l’implantation d’une usine à l’étranger par la multinationale Alusuisse. Il utilise le concept de spatial fixes (David Harvey) et propose une analyse de la construction des territoires par les acteurs économiques. L’article montre comment tant la volonté du management d’Alusuisse d’éviter les grèves que les fluctuations du personnel influencent l’organisation spatiale et les caractéristiques de la production. L’article se penche sur les constellations d’acteurs à l’intérieur de l’entreprise et s’intéresse aux relations de pouvoir entre le personnel et la direction autour de 1970. Parce que l’éloignement du lieu d’implantation rendait le recrutement de la force de travail difficile, Alusuisse développa des incitations financières, misa sur la construction d’une «ville usine» en espérant y attirer des familles, cela afin de limiter le tournus dans le personnel. L’article montre que la recherche historique a tout à gagner en s’intéressant aux relations de pouvoir à l’extérieur des entreprises, pour rendre compte des choix d’implantation territoriale, ainsi que des formes d’organisation des entreprises. Il ouvre ainsi des perspectives alternatives aux conceptions classiques en termes de stratégies de marché ou d’efficience managériale.
Le pouvoir managérial et la micropolitique des ordres spatiaux. Prévention des grèves et planification urbaine chez Alusuisse en Australie autour de 1970
(Manageriale Macht und die Mikropolitik der Raumordnung. Streikprävention und Städtebau bei Alusuisse in Australien um 1970)Erschienen in: traverse 2019/3, S. 151