De la photo-digitalité à la dactylo-phonie: pour une contre-histoire de la pensée de l’écran


Avant que la pensée de l’écran ne réduise la percussion digitale à un véhicule au service d’une figuration ayant lieu sur un plan photologique (terminologie bergsonienne), que se passe-t-il organiquement sur ce plan? Pour approcher cette archéologie d’une photo-digitalité régissant les images écrite, peinte, dessinée, photo- ou dactylographiée, il faut faire dans leur histoire des distinctions entre la matière bruyante du toucher et ce que le doigté indexe ou désigne, entre peut-être aussi les mouvements sensorimoteurs d’extériorisation du corps percevant et leurs devenirs projectifs sur des surfaces désolidarisées de l’organicité du corps propre étant donné un phénomène d’écran. En repartant de l’origine rythmique du comportement figuratif (Leroi-Gourhan) ou de la notion d’images motrices comme «moyen d’intuition de la réalité» (Simondon), nous identifierons une certaine touche sonore et matériologique qui, bien qu’instauratrice, est progressivement reléguée en dehors des images au rang de patine digitale murmurant à contre-courant de leur dématérialisation. Nous parlerons de dactylo-phonie pour différencier cette patine de son dessein; différence fondamentale pour qui voudra veiller à ce que l’histoire des écrans technologiques ne prenne le pas sur celle de la présence sensorielle qui les travaille.

Erschienen in: traverse 2015/2, S. 145