Les débuts du sport de compétition féminin en Suisse dans une perspective d'histoire des sexes

(Die Anfänge des Frauenleistungssports in der Schweiz aus geschlechtergeschichtlicher Perspektive)

Du point de vue de la légitimation officielle, les hommes et les femmes navaient pas à sentraîner physiquement pour les mêmes motifs. En ce qui concerne les femmes, une activité sportive n’a été considérée, d’abord et en premier lieu, qu’en lien avec leur possibilité à enfanter. Ainsi, ce sont avant tout des médecins qui, depuis le tournant du siècle, ont tenté d’initier les femmes à l’éducation physique sous la forme d’exercices de gymnastique. Puis, à partir de la Première Guerre mondiale, les femmes se sont lancées
dans des domaines sportifs auparavant réservés aux hommes. Depuis les années 1920, une série d’associations sportives féminines ont été fondées en Suisse; parmi elles, certaines clairement orientées vers le sport de compétition. Au commencement des années 1920, ces associations peu professionnalisées, organisées sur une base privée, ont reçu un accueil bon enfant. Par la suite, avec l’extension du sport féminin de compétition, le ton à l’égard des sportives est devenu de plus en plus haineux. En particulier, les experts autoproclamés ont vivement discuté les transformations physiques de femmes pratiquant intensivement le sport en invoquant le danger de la « masculinisation » des sportives.
A cet égard, ce sont les associations sportives masculines établies et les associations sportives faîtières qui ont mené la résistance la plus tenace face au sport de compétition féminin. D’une part, ces associations disposaient du pouvoir (financier) de s’opposer aux efforts visant à l’institutionnalisation du sport de compétition féminin. D’autre part, elles exerçaient une influence décisive sur la formation de l’opinion publique lorsquil s’agissait de définir les sports « féminins » et « masculins ». Les sportives elles-mêmes ont réagi plutôt défensivement vis-à-vis de leurs critiques. Sur le plan discursif, elles ont essayé de donner à la figure publique de l’athlète féminine des traits plus féminins, cest-à-dire plus doux. Sur le plan pratique, les sportives ont mis beaucoup d’engagement à poursuivre la promotion du sport de compétition féminin, en traduisant simplement leurs désirs et leurs préoccupations dans les faits. Lorsque les femmes, en faisant du sport de compétition, ont commencé à s’approprier des dispositions connotées de façon masculine, comme la compétition, la performance et la concurrence, elles ont avant tout sapé les mythes répandus à propos du corps féminin et de ses capacités. Elles ont ainsi partiellement remis en question les frontières, qui apparaissaient jusque-là immuables, entre les sexes.

(Traduction: Sébastien Guex)

Erschienen in: traverse 1998/3, S. 89