L'aptitude au combat maîtrisée. La société de tir zurichoise à la fin du Moyen Âge - l'institutionnalisation d'une sociabilité masculine

(Die gebändigte Wehrfähigkeit. Die Zürcher Schützengesellschaft im ausgehenden Mittelalter als Institutionalisierung männlicher Geselligkeit)

Le tir à l’arquebuse, organisé à l’origine avant tout dans un esprit de distraction et de jeu c’est institutionnalisé progressivement au cours du XVIe siècle au moment donc où les relations avec les autorités s’intensifient. Soutenus dès l’origine par des subventions de la ville, les rassemblements des tireurs tombent de plus en plus sous le coup des efforts de réglementation des autorités qui prêtent un intérêt croissant à la formation de tireurs, en conformité avec les besoins communaux. L’ordre étatique, qui se constitue peu à peu à l’aube des Temps modernes, doit sassurer du bon contrôle des nouvelles formes de défense armée, s’il veut prétendre au monopole du pouvoir. La création d’un espace spécial, susceptible de donner un cadre institutionnel aux diverses formes de réunions, répond au besoin de contrôle éprouvé par les villes. Les autorités interviennent et réglementent toujours plus certains rituels d’honneur masculins, où l’aptitude au combat et la violence physique jouent un rôle majeur. En même temps, elles s’efforcent d’institutionnaliser de nouvelles formes de compétition, promettant notamment des récompenses alléchantes destinées à établir un lien entre l’honneur individuel des vainqueurs et l’honneur de la ville. Lors de fêtes, célébrées souvent avec faste, ces nouvelles formes de
compétition sont délibérément utilisées comme un élément constitutif de l’autoreprésentation des villes. Bien que les immixtions des autorités ne soient initialement acceptées quà contrecoeur, elles trouvent avec le temps un terrain favorable auprès des tireurs.
L’apparition d’armes à feu, mettant en cause les formes traditionnelles de représentation de l’honneur masculin, en est probablement l’une des raisons. Pendant longtemps, l’aptitude au combat a été étroitement liée à la force physique. L’homme prouvait par sa force physique sa capacité au combat et sa masculinité. L’importance croissante des nouvelles armes à feu, dont le maniement fait davantage appel à l’habileté technique, atténue peu à peu le lien entre aptitude au combat et force physique masculine. Tenant compte de ces évolutions, les autorités encouragent l’organisation de sociétés de tir réglementées. En tant que groupe clairement défini, les tireurs peuvent se produire à intervalles réguliers dans des concours de tirs organisés selon des règles de jeu fixées par écrit qui favorisent l’acquisition de nouvelles techniques de combat. Ainsi est créé un cadre approprié aux nouveaux rituels mettant en scène une situation de concurrence pour l’honneur masculin; dans ce cadre, la précision et l’habileté technique au maniement des armes figurent au premier plan.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 1998/3, S. 17