Les fantaisies masculines de Klaus Theweleit font partie des premiers travaux publiés dans l’espace germanophone, qui traitent des hommes dans un sens spécifique, à savoir celui des genres. L’ouvrage paru en 1977 explore la littérature des corps francs (Freikorpsliteratur) entre 1918 et 1923 et s’interroge sur les circonstances qui ont permis l’existence du national-socialisme d’un point de vue psychologique.
20 ans après sa parution, l’ouvrage a peu vieilli. Aujourdhui encore, il peut être utile à l’histoire des genres. La présente contribution contient de longs extraits tirés dun entretien avec Klaus Theweleit: l’auteur y jette un regard rétrospectif sur l’ouvrage et s’exprime de manière critique sur les débats actuels concernant Daniel Jonah Goldhagen et ses « exécuteurs dociles de Hitler » (Hitlers willing Executioners).
L’actualité des fantaisies masculines réside dans l’intérêt que porte l’auteur à l’importance historique du corps pour la pensée et l’action au sein d’une société déterminée. Theweleit n’explique pas en premier lieu le national-socialisme par l’économie ou le politique; il établit plutôt des liens entre les modes de pensée et de comportement des soldats des corps francs, et leur organisme affectif et sexuel. C’est la peur d’états physiques déterminés – la sueur, la bave, la mise en bouillie – avec pour corollaire la crainte d’une fragmentation du corps, qui anime les soldats. L’argumentation de l’auteur est, dans un sens large, psychanalytique et remonte par exemple aux travaux des psychanalystes Melanie Klein et Margaret Mahler. Tant dans son interprétation du national-socialisme que dans la discussion sur le mouvement des années 1968, Theweleit formule une sorte de physiologie politique qui lui permet d’introduire le niveau affectif du corps dans l’histoire. Cette dimension est aussi à découvrir pour l’histoire des genres.
(Traduction: Chantal Lafontant)