Vers 1800, le caméraliste et professeur de géographie A.F.W. Crome a conçu des cartes dites statistiques. Il y déterminait les rapports de force entre Etats en comparant les données démographiques, les surfaces et les recettes fiscales.
Dans l’histoire des techniques de visualisation des données statistiques, les cartes de Crome marquent le passage des descriptions qualitatives et verbales à des formes d’expression quantitatives et numériques; ces dernières sont fréquemment accompagnées de représentations graphiques. Cette contribution replace ces procédés dans l’histoire de la cartographie thématique d’une part, et, d’autre part, dans celle de la théorie sensualiste propagée par le mouvement éducatif et philanthropique, auquel appartenait Crome. Pour la première fois, l’attention est portée à l’arrière-fond didactique de la géographie moderne de Humboldt et de Ritter. Au Philanthropin de Dessau, l’enseignement de la géographie ne fut pas instauré dans le seul but de diffuser le savoir historique et contemporain à des fins géopolitiques, mais il permit également le développement d’une série de représentations censées rendre saisissables sous forme visuelle ou tactile des phénomènes lointains et abstraits. Les cartes devaient permettre de se faire une image de concepts statistiques tels que la densité de la population ou le revenu par tête; grâce à l’espace géographique et géométrique, ceux-ci acquirent le statut de faits scientifiques et de réalités évidentes.
(Traduction: Thomas Busset)