Femme mariée et ouvrière de fabrique: Les rapports entre famille et travail chez les tisserandes de coton en Lancashire

(Ehefrau und Fabrikarbeiterin. Zum Zusammenhang von Familien- und Arbeitsbeziehungen bei den Baumwollweberinnen von Lancashire)

La fabrication industrielle en série qui vit le jour en Angleterre au moment de la mécanisation de la production cotonnière reposait essentiellement sur l’exploitation de la force de travail de femmes et denfants. Dans le cadre des mouvements de masse chartistes des années 1840 en vue dobtenir des réformes politiques, de nombreuses ouvrières, surtout des tisserandes, exprimèrent avec opiniâtreté leur refus du système des fabriques. Leur résistance visait en premier lieu le travail de sape contre la famille occasionné par lactivité à lextérieur de femmes et denfants, travail qui demeurait indispensable pour des motifs économiques; cette résistance procédait ainsi du primat de la famille que ces femmes admettaient pour elles-mêmes.
Vers 1900, le tissage représentait sans conteste lactivité principale de la population ouvrière féminine du Lancashire. Quand bien même la situation économique exigeait, comme par le passé, le travail des femmes en fabrique pour assurer la sécurité matérielle des familles ouvrières, des réalités spécifiques à l’intérieur de l’industrie cotonnière ouvraient aux femmes actives dans ce secteur des points dancrage pour la constitution d’une identité positive en qualité de travailleuses.
La présente contribution montre les changements qui se sont produits à l’intérieur des rapports familiaux et de travail chez ces femmes. Au moment de l’industrialisation, la forme et l’importance du travail féminin en fabrique sont déterminées uniquement par des nécessités familiales, auxquelles font face les femmes dans leur fonction dépouse et de mère. Au tournant du siècle, la constitution dune identité féminine via une activité professionnelle couronnée de succès permettait en revanche aux tisserandes dassumer responsabilités et attentes familiales; elle conduisit à la reconnaissance et à la sauvegarde de leurs intérêts spécifiques en tant que femmes aussi bien dans la famille que sur le lieu de travail et dans la société.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 1996/3, S. 108