Violence et processus de civilisation

(Gewalt und Zivilisationsprozess)

La question de savoir s’il y eut un processus de civilisation et quels furent ses effets sur la violence suscite de nombreuses controverses. Les tentatives pour prouver l’existence d’un tel processus en Europe, entre 1250 et 1850 (Spierenburg), ou, en France, pendant l’époque moderne (Muchembled), mettent en évidence, au niveau théorique en particulier, le manque de précision de la thèse du processus de civilisation. Aussi bien le recul des homicides, que les changements des pratiques pénales publiques, que la criminalisation de la violence dans l’espace public apparaissent comme des indices peu significatifs pour saisir empiriquement l’ensemble des actes de violence, ceci d’autant plus que la question de la «privatisation» de la violence n’est pas près de recevoir une réponse. La thèse du processus de civilisation néglige les aspects spécifiques aux genres et les coûts de la Constitution d’un monopole étatique de la violence. Elle apparaît par conséquent, tant au niveau théorique qu’empirique, insuffisante. En revanche, les études historiques et anthropologiques mettent en évidence la diffusion universelle de la violence, son origine située au «centre» de la société, et des aspects propres aux genres (Farge/Zysberg, Davis). La ritualisation de la violence quotidienne permet une désescalade de celle-ci et montre que ses acteurs ne sont pas simplement des «non civilises» (Dinges). On envisagea même positivement les effets de l’emploi de la violence en matière politique et révolutionnaire en particulier (Roche). Les résultats de ces recherches mettent en évidence des problématiques bien plus riches. Pour écrire une «nouvelle histoire de la violence», il faudrait s’interroger d’abord sur la diffusion universelle de la violence. Cette approche permettrait de mieux expliquer – que ne le fait la thèse du processus de civilisation – le retour de la violence neo-nazie en Allemagne et de nature ethnique dans les Balkans.

Erschienen in: traverse 1995/1, S. 70