«Les frontières divisent, les routes unissent». Le discours sur l’aménagement du paysage routier alpin dans les années 1930: entre échanges transnationaux et concurrence internationale

Dans l’entre-deux-guerres, alors que les destinations touristiques alpines suisses étaient une réalité déjà bien établie, l’aménagement technique des routes pour répondre à la motorisation croissante s’accompagnait d’un discours tourné vers l’avenir. La question de savoir si et comment le réseau routier devait être adapté à cette nouvelle forme de mobilité a suscité, dans les milieux spécialisés, un vif débat, dont les enjeux ont été influencés par la crise économique de la fin des années 1920 et par les développements politiques qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale à partir de 1939. La frontière devient alors une ligne d’orientation dans un champ de référence international pour déterminer sa propre position. «Les frontières divisent, les routes unissent», c’est ainsi que le Schweizerische Zeitschrift für Strassenwesen reprenait, en 1934, les mots du représentant de Bavière au VIIe Congrès international de la route.
Le présent article aborde deux dynamiques transfrontalières nées de motifs opposés dans les années 1930. D’une part, dans le contexte de la crise économique, la frontière devient un marqueur dans la compétition entre les États alpins: il s’agissait d’attirer le tourisme motorisé vers son propre pays grâce à un ensemble de routes traversant des paysages alpins des plus attractifs. D’autre part, la ligne de démarcation nationale s’est révélée perméable au discours professionnel dans le domaine de la construction routière, où les échanges transnationaux ont été institutionnellement encouragés. La volonté partagée d’aménager le paysage routier alpin, en vue d’offrir une expérience de voyage agréable, a même pu stimuler des projets de construction de portée internationale.