Au coeur de cette contribution se trouve la question du discours qui émergea dans la seconde moitié du 15e siècle autour de la catastrophe naturelle que constituerait la disparition totale de la lagune de Venise, synonyme inévitable de la chute de la ville et de la République.
Sans remettre en cause leffectivité dune menace écologique, réelle en effet, ce discours est interprété ici comme stratégie des autorités visant la construction sociale d’un risque. A travers l’exorcisation des craintes collectives, la mise en oeuvre des normes de protection des eaux devait être promue dans le but de faire valoir l’extraordinaire sagesse de la ville de la lagune et ainsi garantir la perpétuation de l’«impossible dans l’impossible». Par là c’est la thèse soutenue ici il sagissait moins d’une préoccupation touchant la Venise matérielle, que l’idée, le mythe même de Venise. Ce mythe a eu une signification politique forte. Depuis la fondation de la ville dans les «acque salse» il gouvernait non seulement la prétention de Venise à dominer l’Adriatique, mais aussi établissait la souveraineté de la République ainsi que la légitimité de son aristocratie.
(Traduction: Frédéric Sardet)