Cantons et villes durant la Grande Crise

(Kantone und Städte im Zeichen der grossen Depression)

L’exploitation de sources statistiques régionales et destimations rétrospectives a permis de construire, pour les années 1928 1938, un indice conjoncturel par branches, cantons et villes. Au niveau national, cet indicateur correspond largement à l’indice global calculé en 1952 par Francesco Kneschaurek. Il confirme également la thèse, soutenue par Kneschaurek, Stebler, Böhler et Böhi, sur la voie particulière suivie par l’économie suisse dans les années trente: la crise na touché notre pays que très graduellement, mais elle a en revanche duré beaucoup plus longtemps et na pu être surmontée qu’à l’automne 1936 grâce à la d’évaluation du franc suisse.
Contrairement aux industries dexportation et au tourisme, qui ont été frappés de plein fouet par l’écroulement de l’économie mondiale, les secteurs tournés vers le marché domestique nont été que tardivement et partiellement touchés par la crise. L’industrie de l’habillement, le commerce de détail et les transports ont particulièrement bien résisté à la dépression; l’agriculture sest également bien comportée. Par contre, les temps furent très difficiles pour lindustrie des machines et l’horlogerie; certaines sous-branches du textile soie, broderie et en partie également l’industrie du coton) connurent même un arrêt complet de la production dès 1930. La conjoncture particulière du secteur de la construction mérite dêtre signalée: à une expansion très marquée jusquen 1930 succède un mouvement très prononcé à la baisse jusquen 1936.
Ces évolutions très inégales selon les branches économiques se reflètent logiquement dans les indices conjoncturels des cantons et des villes. Les effets de la crise se firent ressentir encore plus lourdement dans les régions dont la structure économique dépendait de l’étranger. Ainsi, la population de Coire neut que peu de raisons de se plaindre jusquà la moitié des années trente, alors que le Locle, dans le même temps, était confronté à une perte de revenu presque complète. La grande crise asséna un coup presque mortel à des cantons campagnards hautement industrialisés et spécialisés dans l’exportation de biens de luxe, comme Glaris, Bâle-Campagne et les deux Appenzell. Dans les grandes villes, le malaise a pu être contenu, car les industries produisant pour le marché intérieur, le commerce de détail et les transports y avaient une certaine importance.
Il serait cependant faux de déduire de ces observations que la Suisse aurait dû se tourner vers une politique dautarcie. A part le fait quen tout temps, une telle option ne saurait être réalisable dans un pays dépourvu de matières premières quau prix de l’appauvrissement complet dune grande majorité de la population, il importe surtout de considérer que toutes les branches de l’industrie d’exportation nont pas été touchées dans les mêmes proportions par la crise et que pour certaines branches l’inflexibilité des autorités en matière de politique monétaire joua également un rôle important dans la situation difficile traversée par ces secteurs. Une évaluation appropriée des structures, locales et régionales, par branches nécessite donc dinclure également dans lanalyse les niveaux de revenus davant et daprès la crise.

(Traduction: Tobia Schnebli)

Erschienen in: traverse 1997/1, S. 68