Education physique et sport dans le contexte de l'associationnisme en Suisse

(Leibeserziehung und Sport im Rahmen des Vereinswesens der Schweiz)

Dans l’avènement et l’évolution de la société bourgeoise du XIXe siècle, la culture physique et le sport occupent une place importante. Ils se situent notamment au centre des mouvements qui constituent la sociabilité et qui contribuent au façonnement de l’espace public bourgeois. Tout en esquissant cette évolution, cet article analyse en particulier le processus de différenciation de la structure associative du sport vers la fin du XIXe et au début du XXe siècle. En suivant l’évolution des associations sportives, nous pouvons comprendre les transformations sociales et idéologiques de la société des pays industrialisés en voie vers la société de masse du XXe siècle.
En Suisse comme en Allemagne, la gymnastique est pratiquée d’abord par la jeunesse académique. Son institutionnalisation commence durant la seconde décennie du XIXe siècle. Elle est organisée dès son apparition sous forme d’associations acquises non seulement à l’activité sportive proprement dite mais aussi aux mouvements politiques nationaux. En 1880, la Société fédérale de gymnastique, fondée en 1832, compte plus de 100 sections et quelque 6000 gymnastes. Durant le troisième tiers du siècle, l’éducation physique et la gymnastique seront de plus en plus intimement liées aux préoccupations de la défense nationale.
Dès les années 1860, on assiste à une diversification des pratiques sportives par l’apparition de nouvelles disciplines comme les sports nautiques, l’alpinisme, plus tard le cyclisme et le football. Dès lors, l’associationnisme connaît un développement considérable. Au tournant du siècle, on assiste à une croissance presque exponentielle du nombre des associations et à une différenciation sociale des pratiques et des associations. Toutes les couches sociales et toutes
les régions du pays sont maintenant touchées.
L’appropriation de l’éducation physique et de la gymnastique par le politique trouvera son prolongement dans les sports modernes, tant sur les plans international que national. En Suisse, le mouvement ouvrier organisera dès la fin du XIXe siècle ses propres associations; sa position face au sport nen demeurera pas moins ambiguë, les uns trouvant que le sport ne fait que détourner les ouvriers de leur engagement politique. De leur côté, les protagonistes d’autres disciplines sportives comme la gymnastique, l’alpinisme (les membres du Club alpin suisse) ou la lutte ne manqueront pas d’afficher des positions patriotiques et antisocialistes marquées.

Erschienen in: traverse 1998/3, S. 33