L’enjeu transnational dans la construction d’un chantier réformateur local. La Fondation Rockefeller en Roumanie (1920–1940)


L’espace réformateur qui émerge en Roumanie à la sortie de la première guerre mondiale s’affirme en s’appuyant sur des institutions transnationales parmi lesquelles la Fondation Rockefeller fait figure à part, en vertu de son autonomie politique et de sa disponibilité à l’intervention directe sur le terrain. Configuré à partir d’un noyau d’universitaires portés par la volonté de civiliser, le réseau local investit progressivement le monde de l’administration, l’espace associatif féminin et féministe et, seulement provisoirement, le champ politique. Parvenant, à la faveur d’une série de conjonctures internes et internationales, à modifier les pratiques de gestion locale à travers notamment l’institutionnalisation de l’enquête sociale sous plusieurs formes, le succès, relatif et différé, du projet réformateur à la veille de la Deuxième Guerre mondiale s’accompagne de la perte des liens transnationaux que ses agents sont parvenus à construire. S’ensuit une désagrégation progressive du réseau, dont les protagonistes collaborent aux programmes «sociaux» des régimes autoritaires entre 1938-1944, avant de connaître la déchéance politique. À travers le cas de la Roumanie, cet article aborde le processus d’extension de la «nébuleuse réformatrice» à la périphérie de l’Europe et interroge la relation de continuité entre les échelles globale et locale en termes d’acteurs et de pratiques selon la logique sociale du transfert et de la traduction.

Erschienen in: traverse 2013/2, S. 5