Les transferts de technologies en perspective historique. Intérêt du cas suisse


L’histoire et la sociologie des techniques ont surtout orienté leur propos sur la phase de recherche et de développement de l’innovation, au détriment de l’étude des conditions de la diffusion internationale des techniques et de l’évolution de leurs usages sociaux. Cette orientation tend à déconnecter l’histoire des techniques de l’évolution des formations sociales, alors que les transferts de technologies ont eu un impact grandissant sur le développement des sociétés. Elle participe, aussi, d’une vision erronée du rapport entre innovation et croissance économique. Comme le souligne David Edgerton, le cadre de l’Etat-nation a en effet favorisé «l’idée technocratique (et nationale) qui veut que plus une nation innove, plus son économie croît». En réalité, l’évolution des technologies dans une économie nationale repose sans doute moins sur des processus d’innovation endogènes que sur les capacités de l’économie concernée à capter des technologies porteuses puis à en contrôler la diffusion internationale.
Le cas helvétique, qui sera au centre de ce numéro, semble très propice à une réflexion sur ce type de questions. Au cours du 19e siècle, la Suisse parvient en effet à dépasser son statut d’économie suiveuse, importatrice de technologies, pour occuper quelques niches de spécialisation dans des secteurs de haute technicité. Très vite, elle joue elle-même un rôle moteur dans le transfert de certaines de ces technologies, tout en s’assurant de diverses formes de contrôle sur les modalités économiques de leur diffusion internationale, sinon sur celles de leurs usages sociaux ou de leur conséquences écologiques. Les contributions proposées, issues de chercheurs suisses et étrangers, couvriront les 18e, 19e et 20e siècles.

Erschienen in: traverse 2010/3, S. 7