Le débat mené au sein des sciences sociales à propos de l’individualisme moderne met celui-ci en lien avec le développement de la religion au cours des temps modernes. Du fait de la perte de signification des systèmes de croyance religieux traditionnels depuis le début de l’Epoque moderne et dans le sillage de processus de différenciation sociale, lindividu est ramené à lui-même en tant qu’« ultime producteur de sens » et devient son propre « objet religieux ». Le clivage entre individu et société s’élargit dans la mesure où le premier ne parvient à définir son identité plus que « contre » la société. La présente contribution se propose de montrer que la société américaine n’entre pas dans une telle logique. L’étude de la sémantique de la journey, qui est un élément constitutif de la description que l’Américain d’origine anglo-saxonne donne de lui-même, permet de déceler l’influence durable d’une symbolique religieuse, dont les traits essentiels remontent à l’Amérique coloniale du 18e siècle. Elle ne s’exprime pas seulement dans les conceptions de l’individualité, mais apparaît également en tant que composante de la rhétorique politique, et ce jusquà nos jours. De surcroît, elle a joué un rôle important dans la formation de la démocratie américaine au 19e siècle.
(Traduction: Thomas Busset)