Émigration de masse et émigration individuelle de suisses en Amérique latine aux XIXe et XXe siècles

(Massen- und Einzelauswanderung aus der Schweiz nach Lateinamerika im 19. und 20. Jahrhundert)

Cette étude compare l’émigration de masse à l’émigration individuelle de Suisses en Amérique latine et met en lumière certaines particularités des pays d’accueil, dont dépendaient le succès ou l’échec de l’émigration suisse dans le souscontinent latino-américain.
Dans la partie introductive, les auteurs replacent l’émigration suisse dans le contexte de l’émigration européenne en Amérique latine et étudient son importance pour la région, en particulier pour la partie sud de l’Amérique du Sud.
L’émigration de masse procède surtout d’une émigration des couches inférieures des régions rurales qui, sous l’influence des mutations structurelles et économiques, furent marginalisées économiquement, mais aussi en partie socialement. Ce type d’émigration, qui apparaît au début du XIXe siècle, connut un essor important après les années 1850 mais perdit de son importance à la fin du siècle; il correspond le plus souvent à une forme d’émigration organisée soit par les autorités suisses ou latino-américaines, les entreprises de colonisation, les agences d’émigration où prévaut la colonisation agraire. Jusque dans les années 1860, le Brésil représentait la destination la plus prisée par les émigrés, avant dêtre supplanté par l’Argentine dans les dernières décennies du XIXe siècle.
Contrairement aux Etats-Unis société largement démocratique et relativement égalitaire, disposant à l’origine de nombreuses terres « libres » l’Amérique latine était en bien des endroits dominée par de grands propriétaires fonciers et représentait une société oligarchique; des conditions de départ avantageuses n’étaient offertes aux colonisateurs paysans quà des périodes déterminées et dans des régions éloignées peu peuplées. Ce phénomène transparaît clairement dans les projets de colonisation des plantations de café de São Paulo et de ceux de la province périphérique de Santa Catarina au Sud du Brésil, ainsi quà la lumière des conditions économiques toujours plus désavantageuses en Argentine.
Depuis la fin du XIXe siècle, l’émigration individuelle depuis la Suisse en Amérique latine est devenue toujours plus importante. Ces émigrants sont issus dun milieu social et professionnel plus diversifié et proviennent de plus en plus des milieux urbains: artisans, petits commerçants, commis et dans une moindre mesure bonnes et ouvriers. L « émigration des élites » constitue une variante non négligeable de l’émigration individuelle, sans toutefois être identique à celle-ci. Elle a profondément changé de caractère au cours des XIXe et XXe siècles. Alors qu’au XIXe siècle on dénombrait surtout des marchands et des propriétaires de plantation qui bénéficiant souvent d’un certain capital, d’une bonne formation professionnelle ainsi que dun réseau de relations personnelles s’intégraient dans la société de leur pays d’accueil, au XXe siècle, on recense un nombre toujours plus important de personnes hautement qualifiées ingénieurs, géologues, managers (dans un sens large du terme) qui conjointement à la croissance des investissements de capitaux suisses en Amérique latine aspirent à une carrière professionnelle dans une grande entreprise internationale ou suisse, sans toutefois envisager autre chose quun séjour temporaire en Amérique latine.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 1998/2, S. 71