Le combat de libération de Robert Grimm. Analyse du rapport entre histoire des genres et histoire politique en Suisse

(Robert Grimms Befreiungsschlag. Eine Fallstudie zum Verhältnis von Geschlechtergeschichte und politischer Geschichte der Schweiz)

En 1908, le social-démocrate Robert Grimm, futur dirigeant de la grève générale de 1918, conseiller communal, député au Grand Conseil et au Conseil national, épouse l’émigrante russe Rosa Reichesberg-Schlain, marxiste révolutionnaire, qui sera adhérente par la suite du parti communiste suisse. Huit ans plus tard, cette union envisagée au début comme un contrat émotionnel et intellectuel, conformément au discours critique sur le mariage qui se fait entendre au tournant du siècle sera rompue à la demande des deux époux. Dans une lettre adressée à son avocat en 1916, Grimm relate l’histoire et l’échec de ce mariage.
Le présent article interprète le récit de Grimm comme un acte de construction identitaire: l’identité est conçue ici comme un « rapport à soi et au monde » né d’un acte significatif qui détermine à son tour les pratiques sociales Jürgen Staub). Dans son récit sur le mariage, Robert Grimm s’emploie à consolider ce qui fut fondamentalement menacé par une union fondée sur l’égalité du couple, à savoir une identité masculine caractérisée par l’indépendance, l’esprit de combat et un engagement public et politique, conformément aux valeurs masculines dominantes de l’époque. Seule cette identité masculine lui a permis de s’imposer en tant que leader des travailleurs, au moment des violents conflits politiques et sociaux des années 1910. Pour interpréter l’échec de son mariage, Grimm utilise en outre la vision dualiste et bourgeoise des rapports de genres qui le définit comme homme d’Etat responsable. Dans cette optique, Grimm pourra plus tard être intégré dans le système politique suisse conçu comme une alliance masculine.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 2000/1, S. 109