S’enrichir en puisant aux ressources collectives. L’«intérêt personnel» comme thème récurrent du scandale politique et social dans la Confédération à l’époque moderne

A condition d’être convenablement historicisé, le «scandale» offre une catégorie de recherche féconde pour l’étude de l’époque moderne en permettant de s’interroger sur les valeurs fondamentales d’une société et sur les modes du conflit qui leurs sont associés. Tandis qu’aujourd’hui, le scandale est attisé par des divulgations relayées par les mass média, à l’époque moderne, il mobilise différents espaces de communication tels que la famille, les groupes de pairs, les organes politiques et les assemblées. Ceux-ci fonctionnent comme autant d’opinions publiques partielles, imbriquées les unes dans les autres et interagissant les unes sur les autres dans les bornes dictées par les structures d’Ancien Régime. Véritable pierre d’achoppement, l’évocation d’intérêts personnels ainsi que l’accusation d’égoïsme ou d’atteinte au bien public sont au centre de l’argumentation. On y dénonce l’enrichissement à outrance, le manque de transparence, le surprofit généré par l’exercice d’une fonction. Le scandale est alors un rituel purificateur venant rappeler aux sociétés locales ainsi qu’aux communautés d’Ancien Régime les règles tacites de leur cohabitation.