Supranationalité, nationalisme et autonomie régionale: Pratiques de l'état fédéral suisse - perpectives de la communauté européenne

(Supernationalität, Nationalismus und regionale Autonomie : Erfahrungen des schweizerischen Bundesstaates - Perspektiven der europäischen Gemeinschaft)

Dans son article, l’historien Hansjörg Siegenthaler tente de repondre aux deux questions suivantes: dans quelle mesure le jeune Etat federal suisse a-t-il place sous son autorite supranationale des Etats membres, enracines historiquement, en qualité de petites «Nations» ou les a-t-il fondus, dans une nouvelle structure, en une «Nation» suisse? Pour quelles raisons et dans quel sens le «nationalisme» suisse a-t-il, d’une part, contribue ä la Constitution de la Confederation comme ensemble étatique et, d’autre part, influe sur la nature de l’autonomie regionale?
La these de l’auteur s’appuie sur le fait que les Nations se constituent dans un contexte de profonde insécurite. A cette grande insecurite correspond une difficulte de perception empechant l’acteur de selectionner, de classer et d’interpreter normalement des informations. Il en decoule chez ce demier une incapacite d’estimer les consequences de toute action presente, de meme que d’etablir un rapport entre l’exploitation de ressources disponibles et les benefices escomptes. Les possibilités d’entreprendre une action rationnelle, au sens d’une rationalite visant à l’économie des ressources, s’effacent. Dans un contexte de grande insecurite, il convient d’abord de restaurer les conditions favorisant une action organisee rationnellement et d’exercer, dans le cadre d’un discours favorisant une meilleure connaissance et comprehension, la confiance en de nouveaux et anciens modeles de pensees.
Est-il légitime maintenant d’inscrire les differentes decisions qui accompagnent la creation de l’Etat federal dans un contexte de grande insecurite? Rappeions que les faits etudies se situent dans les annees 1842 à 1848 environ. Au cours de ces quelques annees, un sentiment de grande insecurite se manifeste dans la vie économique, dans la lutte pour les institutions du Systeme politique des cantons et dans le conflit emotionnel autour des ordres jesuites et des couvents catholiques en Argovie. Ces evenements servent de toile de fond au developpement du nationalisme helvetique: l’idee de la nation ou de la Confederation comme ensemble etatique devient un point de reference autour duquel s’etablissent les postulats politiques et les reformes institutionnelles. Ce phenomene entraine chez les acteurs une meilleure aptitude à communiquer, à reagir et ä se mobiliser, ces demiers ayant en demier lieu exerce une influence sur le cours des choses. Par-delà les frontieres regionales et sociales, de nouveaux reseaux et de nouvelles organisations voient le jour, prônant l’idee d’une patrie democratique. A cette epoque, la Suisse élabore un discours identitaire qui repose sur les jalons historiques et qui se refere essentiellement à la definition de l’ennemi exterieur: il est alors question d’une «Willensnation» (nation par volonte), d’un pays qui s’est constitue par une histoire commune, en se demarquant
de l’exterieur, luttant pour sa liberte, malgre les clivages Hnguistiques, religieux et culturels. En ce sens, ce nationalisme n’a jamais limite l’autonomie regionale, mais au contraire il l’a favorisée.
Des lors notre question peut se formuler ainsi: ces reflexions sur l’Etat federal suisse permettent-elles de saisir les problemes et les contributions de ce qui acquiert actuellement de l’influence en tant qu’«esprit europeen», qui se heurte à une Opposition et qui trouve une nouvelle expression dans l’espace de la Communaute européenne. Siegenthaler evoque tout d’abord la repartition du pouvoir au sein de la Communaute et l’importance de celle-ci pour l’essor de la communication transfrontalière; en meme temps, il examine si la probabilite que le processus de selection de la communication dans le contexte actuel de crise favorise l’esprit européen. II s’interroge ensuite sur les resultats d’un processus de selection qui serait favorable ä l’Europe. Enfin, il analyse les effets probables qu’une communication transfrontaliere aurait sur le degre d’autonomie accorde ä chacun des Etats par la Communaute.

Erschienen in: traverse 1994/3, S. 117