« Wives in the Avocados, Babies in the Tomatos ». Voyage d'une délégation de la Migros au pays des supermarchés américains

(«Wives in the Avocados, Babies in the Tomatos». Eine Migros-Delegation auf Reisen in den amerikanischen Supermärkten)

Au printemps 1961, une délégation de la Migros se rend aux USA, le « pays le plus moderne du monde » pour examiner le commerce de détail américain, jugé particulièrement digne d’être pris comme modèle à une époque où de profondes mutations touchaient le domaine de la distribution. Le rapport qu’elle établit lors de ce voyage contient, d’une part, des observations sur les pratiques américaines, d’autre part, des indications sur l’image des USA où transparaît un discours sur la consommation en Suisse et le rôle de la Migros ainsi que des informations en filigrane sur la remise en cause de l’identité des auteurs, autant d’éléments figurant au coeur de l’analyse.
La lecture du texte évoque un sentiment d’anxiety, mélange d’inquiétude, d’angoisse et d’ambivalence. Les auteurs du rapport sont en effet déconcertés par le mode de vie américain et en même temps admiratifs devant le rendement, les capacités innovatrices de son commerce de détail et la configuration de ses centres commerciaux. Le texte, soucieux d’offrir un matériel riche d’enseignements pour la Suisse, tient également de l’entreprise de séduction, où alternent et se répondent des indications sur la présentation des produits de consommation et des sentiments de délectation provoqués par un engouement pour le mode de vie américain; cette approche de la réalité américaine provoque un sentiment d’anxiety, dans la mesure où on craint que la Suisse ne devienne comme les USA. La même ambivalence sous-tendra l’action de la Migros en Suisse, au moment où la chaîne de magasins occupera une position dominante en matière d’innovation. Ce qui apparaissait alors comme étranger se transforme ensuite en force d’impulsion favorable aux affaires.
L’article met en évidence des rapports complexes, rapports nés d’une confrontation avec les USA, où les sentiments de séduction et d’anxiety, les processus de modernisation provoquent à la fois des réactions de peur et une volonté de les mettre en oeuvre. Cette attitude ambivalente, flux et reflux d’incertitudes, est propre aux années cinquante et soixante, alors que les liens entre hommes et marchandises se mettaient péniblement en place en Suisse. Ces rapports furent classés sous l’étiquette de « société de consommation » une notion qui les obscurcit plus qu’elle ne les éclaire.

(Traduction: Chantal Lafontant)

Erschienen in: traverse 1996/1, S. 104